Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son homologue français Emmanuel Macron ont exprimé leur volonté commune de redéfinir une relation historique et de renforcer la coopération bilatérale dans plusieurs domaines clés, notamment l’investissement, le commerce, la défense et la sécurité.
Reçu pour un petit-déjeuner à l’Élysée mercredi 27 août , le chef de l’État sénégalais a affiché sa disponibilité à bâtir une coopération « rénovée », fondée sur le respect mutuel et les intérêts partagés. A l’heure où Dakar affirme sa souveraineté et où Paris cherche à préserver son influence en Afrique de l’Ouest, la rencontre entre les chefs d’Etat sénégalais et français , marque une étape clé dans la reconfiguration du partenariat entre le Sénégal et la France.
Bassirou Diomaye Faye, élu en mars 2024 sur un programme souverainiste, cherche à établir des relations plus équilibrées avec les pays développés, centrées sur les priorités sénégalaises, tout en maintenant des liens stratégiques avec la France, premier investisseur et deuxième partenaire commercial du Sénégal après la Chine. Cette visite s’inscrit dans un contexte de repositionnement des relations franco-sénégalaises, après la fermeture des dernières bases militaires françaises au Sénégal en juillet 2025, mettant fin à plus de six décennies de présence militaire française.
Une décision emblématique du programme souverainiste porté par Diomaye Faye, élu en mars 2024. Pour autant, le président sénégalais n’entend pas rompre avec Paris, mais rééquilibrer la relation. La France ancienne puissance coloniale dominante en Afrique de l’Ouest, doit désormais être un partenaire parmi d’autres, au moment où Dakar intensifie ses liens avec la Chine, le Japon et la Turquie notamment.
Quels sont les points abordés lors de la rencontre ?

Dans des posts sur le réseau social X, les deux chefs d’Etat ont qualifié leur entretien d’« excellent », marqué par une atmosphère de cordialité. Macron a souligné une volonté d’avancer « de façon concrète » sur un agenda commun, tandis que Diomaye Faye a insisté sur l’ouverture du Sénégal à tous les partenariats.
Coopération économique
Les discussions ont porté sur des dossiers économiques sensibles, notamment le litige autour de la dette du train express régional (TER) Dakar-Diamniadio, où l’entreprise française Eiffage réclame environ 150 millions d’euros. Le président Faye a promu les opportunités d’investissement au Sénégal, notamment dans l’agriculture, les énergies renouvelables, les infrastructures et le numérique, dans le cadre de la vision « Sénégal 2050 ».
Sur le plan économique, Paris conserve une place privilégiée. Plus de 270 entreprises françaises opèrent au Sénégal, employant plus de 31 000 personnes. Elles dominent des secteurs clés comme les télécoms (Orange), l’énergie (TotalEnergies, ENGIE), les infrastructures (Eiffage, Bouygues) ou la banque (Société Générale, BNP Paribas).
Lors de son intervention au MEDEF, le président sénégalais a appelé les investisseurs français à miser sur de nouveaux créneaux : l’agro-industrie, les infrastructures, le numérique et les énergies renouvelables, tout en soulignant que « le temps de l’exclusivité est révolu ».
Défense et sécurité : une coopération repensée

Si l’économie constitue le socle de la relation bilatérale, la sécurité reste un sujet sensible. Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a accueilli d’importantes bases françaises, utilisées comme points d’appui militaires dans la région. Mais dès leur arrivée au pouvoir, les autorités sénégalaises ont annoncé la fin de la présence militaire étrangère, une décision mise en œuvre progressivement au cours de l’année 2025.
Le retrait progressif des forces françaises du Sénégal s’est déroulé en trois étapes : deux premiers sites ont été remis aux autorités sénégalaises le 7 mars, suivis de la station interarmée de Rufisque le 1er juillet. Le 17 juillet, le retrait définitif du Camp Geille, plus grande installation militaire française au Sénégal, a été acté, ainsi que des installations de l’armée à Ouakam et au Plateau.
En moins de six mois, la France a donc plié bagage, symbolisant un basculement majeur dans la doctrine sécuritaire de Dakar. Pour autant, la coopération n’est pas rompue. Lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron, le président sénégalais a plaidé pour une relation sécuritaire redéfinie, axée sur la formation, le renseignement et la lutte contre le terrorisme dans la sous-région.
Pour le Sénégal, relativement épargné mais situé au cœur d’un environnement instable, l’enjeu est de rester un pilier de stabilité en Afrique de l’Ouest. La France, de son côté, cherche à éviter une rupture brutale qui l’isolerait davantage en Afrique de l’Ouest, après son retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger, tout en s’adaptant aux nouvelles priorités sénégalaises.
Questions mémorielles
La rencontre entre les deux dirigeants a aussi été l’occasion d’aborder des sujets sensibles liés à l’histoire coloniale. Un sujet central a été le massacre de Thiaroye (décembre 1944), où des tirailleurs sénégalais ont été tués par les forces coloniales françaises.
Diomaye Faye a salué la reconnaissance par Macron en novembre 2024 de ce massacre comme un « pas important » vers la vérité, mais a réitéré la demande sénégalaise de déclassifier toutes les archives militaires et judiciaires pour établir le nombre exact de victimes (estimé entre 35 et 400 selon des sources).
Les autorités sénégalaises ont longtemps reproché à la France de dissimuler la vérité sur ce massacre, en refusant de rendre publics notamment des documents d’archives permettant de connaître le bilan humain et de situer les responsabilités. Par ailleurs, le chef de l’Etat sénégalais a invité le président français à participer à la deuxième édition de la commémoration prévue le 1er décembre 2025 à Dakar, selon les médias locaux.
Rencontre avec les entrepreneurs français

Après son petit déjeuner de travail à l’Elysée, le président sénégalais a été l’invité spécial de la Rencontre des entrepreneurs de France (REF) organisée par le MEDEF le 27 août 2025 dans le temple du tennis, Roland-Garros. Cette participation visait à attirer davantage d’investisseurs français, tout en insistant sur des partenariats équilibrés.
« Le Sénégal reste un pays ouvert à tous les partenariats » et « vous y avez toute votre place », a t-il lancé à l’endroit du patronat français. Diomaye Faye a notamment plaidé pour un environnement des affaires stable et attractif au Sénégal, soulignant les réformes en cours et le rôle clé du secteur privé dans la création de richesse et d’emplois.
« En plus d’une gestion rigoureuse de nos finances publiques, nous avons entrepris une réforme des codes des investissements, des douanes et des impôts (…), des réformes qui visent à alléger la fiscalité, simplifier les procédures et améliorer la prévisibilité pour les investisseurs », a t-il plaidé, s’adressant aux entrepreneurs français.
Bassirou Diomaye Faye a par la suite vanté les atouts de son pays, qui mise sur son potentiel énergétique, sa stabilité et son capital humain avec une jeunesse « éduquée, connectée et créative ». « Le Sénégal offre un marché en expansion, une stabilité politique reconnue, un cadre juridique modernisé et des perspectives d’investissement à fort potentiel », a-t-il déclaré devant les chefs d’entreprises et acteurs économiques français.