Ce lundi 25 août 2025, le conseil municipal de la ville de Dakar a élu Abass Fall membre du Pastef, nouveau maire de la capitale sénégalaise.
L’ancien député et actuel ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les Institutions, a obtenu dès le premier tour du scrutin 49 voix sur 88. Il devance les trois autres candidats dont Ngoné Mbengue de la coalition Taxawu Sénégal (30 voix), qui assurait l’intérim depuis la destitution en décembre 2024 de Barthélémy Dias, ancien maire de Dakar. Aussitot déclaré élu, Abass Fall a été installé dans ses nouvelles fonctions de maire par le préfet de Dakar.
Réagissant sur ses plateformes digitales, le chef de l’Etat sénégalais Bassirou Diomaye Faye a félicité le nouveau maire de Dakar tout en souhaitant que cette « responsabilité puisse être placée sous le signe du service public, du dialogue et d’une action résolue au service des Dakaroises et des Dakarois. »
L’élection du maire de la ville de Dakar, intervient dans un contexte de forte tension politique. En décembre 2024, Barthélémy Dias avait été déchu de ses fonctions après une condamnation judiciaire. Depuis, l’intérim était assuré par la première adjointe, Ngoné Mbengue.
Pourquoi un nouveau maire a été élu ?
Barthélémy Dias avait été destitué de ses fonctions municipales le 11 décembre 2024, en raison d’une condamnation définitive pour homicide volontaire prononcée en 2017, confirmée en appel en 2022 et validée par la Cour suprême en 2023. Auparavant le 6 décembre 2024, l’Assemblée nationale l’avait déchu de son mandat de député à la demande du ministère de la justice, pour les mêmes motifs.
Après une période d’intérim d’environ neuf mois, le Préfet de Dakar conformément aux Lois en vigueur, a convoqué une session extraordinaire du conseil municipal afin de procéder à l’élection du nouveau maire. M.Dias qui a décidé de jouer son va-tout, a tenté de bloquer le scrutin municipal en introduisant un recours en référé devant la Cour suprême, contestant sa destitution.
Malgré ce recours, les autorités ont validé la tenue de l’élection municipale, ouvrant la voie à un basculement politique majeur dans un bastion symbolique de l’opposition. Mais la situation reste incertaine : la demande de suspension a été rejetée ce jour même par la Cour suprême, qui en revanche, doit statuer sur le fond du dossier lors d’une audience fixée au 18 septembre 2025.
Qui est Abass Fall, le nouveau maire ?

Peu connu du grand public il y a encore quelques années, Abass Fall est devenu une figure centrale du PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) d’Ousmane Sonko. Ancien député, il a été nommé ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les Institutions en décembre 2024.
Militant de longue date au sein de PASTEF, il est reconnu pour sa loyauté à Sonko et sa capacité à mobiliser sur le terrain. Avant son élection comme maire, il avait déjà occupé la fonction de premier adjoint à la mairie de Dakar, avant d’être remplacé en août 2023 par Ngoné Mbengue pour des raisons de parité.
En accédant à la tête de l’hôtel de ville, il a promis d’être « le maire de toutes les Dakaroises et de tous les Dakarois », insistant sur l’inclusion et le rassemblement, loin des clivages partisans. Son profil, à la fois technocratique et politique, en fait un pion stratégique pour le régime actuel dans sa volonté affirmée de conserver le pouvoir. Il succède à Barthélémy Dias et prend les rênes d’une ville longtemps opposée au pouvoir central.
Quelles conséquences pour l’ex maire Barthélémy Dias ?

Cette élection marque un nouveau revers pour Barthélémy Dias, l’ex maire de la capitale sénégalaise avait fait de Dakar son bastion, d’où il menait un combat acharné contre le pouvoir central. Figure charismatique de l’opposition et proche de l’ex maire de Dakar Khalifa Sall (2009-2018) et dont il s’est séparé, il fut élu maire de la capitale en 2022 sous la bannière de la coalition Yewwi Askan Wi dirigée alors par Ousmane Sonko, à l’époque opposant radical de l’ex président Macky Sall.
Sonko et Dias se sont brouillés avant la présidentielle 2024 qui a consacré l’élection de Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour et la nomination de Ousmane Sonko comme Premier ministre. Barthélémy Dias a été destitué de ses fonctions de maire de Dakar le 11 décembre 2024, à la suite d’une condamnation judiciaire devenue définitive.
En 2017, il avait été reconnu coupable d’homicide volontaire dans une affaire remontant à 2011, liée à des violences politiques lors d’une attaque contre la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, dont il était alors l’édile. Cette condamnation avait été confirmée en appel en 2022, puis validée par la Cour suprême en 2023, rendant son inéligibilité inévitable.
Quelques jours plus tôt, le 6 décembre 2024, l’Assemblée nationale avait déjà prononcé sa déchéance de son mandat de député, à la demande du ministère de la Justice, pour les mêmes motifs. Cette double sanction a marqué une chute brutale pour un acteur politique longtemps considéré comme l’un des symboles de la résistance au régime de Macky Sall.
Refusant de se résigner, Barthélémy Dias avait décidé de jouer son va-tout en tentant de bloquer l’élection municipale prévue ce lundi, et en saisissant la Cour suprême avec un recours en référé visant à suspendre le scrutin. Sa demande a toutefois été rejetée le jour même, ouvrant la voie au vote.
Le contentieux reste toutefois ouvert : l’examen au fond de son recours est programmé pour le 18 septembre 2025. En attendant, la confrontation politique entre MM. Sonko et Dias tourne à l’avantage du leader du PASTEF, devenu Premier ministre en 2024 après avoir longtemps incarné la principale force d’opposition. Sonko confirme ainsi plus que jamais son leadership politique, au détriment de Dias, désormais fragilisé.
Fin d’une mainmise de l’opposition
Depuis 2009, la capitale échappait au parti au pouvoir. Cette année-là, l’élection de Khalifa Ababacar Sall a marqué un tournant : pour la première fois, la mairie de Dakar passait sous le contrôle de l’opposition. Cette situation a bouleversé l’équilibre politique, car l’État et sa capitale n’étaient plus gouvernés par le même camp.
Deux scrutins municipaux ont suivi : en 2014 et en 2022. A chaque fois, l’opposition a réussi à conserver le contrôle de Dakar, renforçant ainsi la dimension symbolique de la capitale comme bastion anti-pouvoir. C’est donc une rupture historique : pour la première fois depuis 16 ans, un membre du parti au pouvoir va diriger la mairie de Dakar. Cette reconquête met fin à près de deux décennies de gestion municipale par l’opposition et redonne au pouvoir central une main sur la gouvernance de la capitale.
Quel enjeu pour le PASTEF ?

La mairie de Dakar, au-delà de ses missions urbaines classiques, est depuis longtemps un enjeu politique national : elle confère une visibilité incomparable et constitue un tremplin pour les ambitions politiques. Pour Ousmane Sonko et son parti, la victoire d’Abass Fall à Dakar dépasse largement le cadre d’une élection municipale : c’est un coup politique majeur.
Elle symbolise la conquête d’un bastion longtemps tenu par l’opposition, un pas supplémentaire vers l’ancrage du Pastef comme force dominante du paysage politique sénégalais. Au Sénégal, gouverner la capitale dépasse largement le cadre municipal : c’est une vitrine politique, un tremplin vers la notoriété nationale et, potentiellement, un marchepied vers la présidence. Détenir une telle influence locale peut donc représenter une menace directe pour le pouvoir central.
Dakar, centre économique et administratif du pays, constitue un poids politique et électoral incontournable. La ville concentre plus de 20 % des 17 millions d’habitants du pays. Ainsi, les batailles électorales y sont particulièrement âpres. En contrôler la mairie, après des années de domination de l’opposition, équivaut à affirmer la nouvelle hégémonie du Parti au pouvoir, le Pastef.
C’est aussi une assise stratégique pour préparer les prochaines échéances locales (2027) et nationales (2029). La gestion de Dakar offrira une vitrine de gouvernance qui servira de test grandeur nature aux promesses de Sonko. Enfin, c’est un signal fort : le Pastef, déjà majoritaire à l’Assemblée nationale et détenteur du pouvoir éxecutif, consolide son implantation dans les institutions locales.