Face à l’essoufflement de l’investissement et à la difficulté de mobiliser l’épargne nationale, le gouvernement algérien mise sur la finance islamique comme nouvel outil de relance.
Une orientation qui révèle, en creux, les limites structurelles du pays à restaurer la confiance dans son système bancaire classique. Sous la présidence du Premier ministre Sifi Ghrieb, le gouvernement a examiné mercredi un projet de décret exécutif visant à étendre le mécanisme de bonification du taux d’intérêt aux produits de la finance islamique.
L’objectif affiché : instaurer une « équité de traitement » entre les différents instruments de financement et stimuler les investissements stratégiques par un appui public. Cette mesure s’inscrit dans la stratégie des autorités visant à relancer une économie en perte de vitesse et à capter une épargne dormante estimée à plusieurs milliards d’euros.
En ouvrant ce dispositif aux prêts islamiques, l’exécutif espère attirer une partie de la population réticente à recourir au système bancaire conventionnel, souvent perçu comme contraire aux préceptes religieux. Confronté à la faiblesse de l’investissement productif et à une dépendance persistante aux hydrocarbures, Alger présente la finance islamique comme une alternative pour mobiliser de nouveaux capitaux.
Mais les résultats restent limités : à la fin de 2022, on recensait 294 agences spécialisées totalisant environ 594 milliards de dinars (près de 4 milliards d’euros) — un montant dérisoire au regard des besoins du pays en infrastructures, en industrialisation et en diversification économique.
En réalité, cette politique relève davantage d’une logique de substitution que d’une véritable réforme. Plutôt que de transformer en profondeur un système financier dominé par les banques publiques et affaibli par le manque de transparence, les autorités privilégient une approche « conforme à la charia », essentiellement utilitaire.
Le lancement de produits islamiques, la future émission de sukuk souverains et la digitalisation des services financiers visent surtout à améliorer l’image du secteur, sans s’attaquer aux causes profondes du désinvestissement : lourdeur bureaucratique, instabilité réglementaire et déficit de confiance des investisseurs étrangers.
Derrière le discours sur la « diversification des instruments financiers », se profile également un calcul politique. Dans un contexte de crise sociale persistante, de chômage élevé et de défiance vis-à-vis de l’État, la finance islamique apparaît comme un instrument de légitimation, permettant au pouvoir d’afficher une sensibilité aux valeurs religieuses d’une population majoritairement musulmane.
Cette orientation s’inscrit enfin dans une dynamique régionale. La Tunisie, le Maroc ou encore l’Égypte ont déjà introduit des cadres similaires, dans des environnements institutionnels plus ouverts et mieux régulés. L’Algérie, elle, reste marquée par un contrôle étatique strict sur la sphère économique et une faible intégration financière à l’international.