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KENYA : Mort de l’écrivain Ngugi wa Thiong’o, figure majeure de la littérature d’Afrique de l’Est

Par Divine Cho Teneng
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L’auteur kényan Ngugi wa Thiong’o, considéré comme l’une des plus grandes figures littéraires d’Afrique de l’Est, est mort mercredi 28 mai, a annoncé sa fille. Il avait 87 ans.

« C’est avec le cœur lourd que nous annonçons le décès de notre père, Ngugi wa Thiong’o, ce mercredi matin », a écrit Wanjiku Wa Ngugi sur Facebook. « Il a vécu une vie bien remplie et a mené un combat acharné. » Né 1938 à Kamiriithu (près de Nairobi), Ngugi wa Thiong’o a grandi à l’ombre oppressante de la colonisation britannique. L’exploitation, la spoliation, la répression des indépendantistes qui touchèrent l’entourage proche et familial de l’écrivain, constituent la texture même de ces Mémoires d’enfance. Se remémorant le petit garçon qu’il était, Ngugi wa Thiong’o met en scène sa lente prise de conscience des injustices et des brutalités de la colonisation. C’est « comme si j’émergeais de la brume », écrivait alors l’auteur dans ses mémoires parues en 2010 et traduites en français en 2022.

Critique de la société kényane post-coloniale

Romancier et théoricien post-colonial, son œuvre considérable (romans, nouvelles, essais, théâtre) reflète son engagement politique. En 1977, Ngugi wa Thiong’o fut emprisonné sans inculpation après la représentation de leur pièce Ngaahika Ndeenda (« Je me marierai quand je le voudrai »), considérée comme une critique virulente de la société kényane post-coloniale.

Amnesty International l’a désigné comme prisonnier d’opinion, avant qu’une campagne mondiale n’obtienne sa libération de la prison de haute sécurité de Kamiti en décembre 1978. Il s’exilera par la suite au Royaume-Uni puis aux États-Unis où il va devenir professeur à l’université de New-York, ce qui ne l’empêche pas de continuer d’écrire des pièces et des essais.

« Décoloniser l’esprit », œuvre majeure

Dans ses romans, et à travers son théâtre, Ngugi Wa Thiong’o, développe une critique virulente de la bourgeoisie issue des indépendances et de l’oppression des classes ouvrières africaines. Influencé par la pensée marxiste et Franz Fanon, il est aussi un penseur du panafricanisme et de l’émancipation de l’Afrique.

Il est notamment l’auteur d’un essai majeur paru en 1986, Décoloniser l’esprit. Dans cet ouvrage, véritable plaidoyer en faveur des langues et cultures africaines, il analyse la violence et « l’asservissement mental » qu’a représenté l’imposition des langues européennes dans les sociétés coloniales. Il a d’ailleurs pendant un certain temps abandonné l’anglais pour écrire dans sa langue natale, le kikuyu, choix radical mais capital dans une œuvre marquée par la lutte contre les inégalités.

Retour d’exil

Il revient au Kenya à partir de 2004 après plus de 20 ans d’exil, après que Daniel arap Moi eut quitté le pouvoir. Quelques jours après leur installation, Ngugi wa Thiong’o et son épouse sont attaqués en pleine nuit dans leur appartement. Quatre hommes armés de revolvers, d’une machette et d’une cisaille font irruption. Sous les yeux de l’écrivain, sa femme est violée. En tentant de s’interposer, Ngugi est violemment frappé et brûlé au visage. Les suspects sont interpellés quelques jours plus tard et poursuivis en justice. Il n’a pas été établi si cette agression était de caractère criminel ou politique. À la suite cette agression il n’est que rarement rentré au pays.

Dans Pour une Afrique libre, essai paru en France en 2017, il développe des thèmes qui lui sont chers : la nécessité de l’estime de soi chez les Africains, le rapport de l’écrivain africain à sa ou ses langues, l’héritage de l’esclavage ou l’écriture comme instrument de paix et d’émancipation des peuples.

Comme une revanche sur l’oppression qu’il a subi, sa pièce Ngaahika Ndeenda est de nouveau jouée sur les planches des théâtres de Nairobi en 2022, après avoir été interdite pendant 45 ans.

Titulaire de nombreux prix littéraires et distinctions, il a longtemps été pressenti pour obtenir le Nobel de littérature. Mais la mort l’a emporté avant qu’il n’obtienne la plus haute distinction pour un écrivain.

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