L’ancien porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), a revendiqué ce mardi 14 octobre, la victoire à l’élection présidentielle de dimanche.
Dans une déclaration vidéo publiée sur les réseaux sociaux peu après minuit, il a exhorté « le régime en place à faire preuve de grandeur et à respecter la vérité des urnes ». « Je tiens à le dire avec gravité et simplicité : le peuple a choisi. Et ce choix doit être respecté », a affirmé Tchiroma.
Le candicat du FSNC a également promis de partager un compte rendu détaillé des résultats des bureaux de vote à travers le pays et à l’étranger. « Ces résultats m’ont profondément touché : ils montrent que cette victoire dépasse ma personne », a-t-il indiqué.
M. Tchiroma a remercié le peuple camerounais pour sa confiance en lui et au changement, qualifiant sa « victoire » d' »écrasante ».
Sa déclaration intervient alors que le dépouillement des votes est en cours, sur fond de mises en garde du gouvernement contre les candidats qui se proclameraient unilatéralement vainqueurs de l’élection. Son annonce fait fi d’un avertissement du gouvernement selon lequel toute publication unilatérale des résultats équivaudrait à une « haute trahison ».
Dans un communiqué ce mardi, le ministre de l’Administration territoriale a dénoncé une « violation de tous les textes juridiques qui encadrent le processus électoral » au Cameroun. Il a condamné « le comportement irresponsable » du candidat Tchiroma. Le ministre Atanga Nji assure que le processus électoral en cours ira à son terme conformément aux dispositions légales.
Décompte et compilation des votes
Le décompte des votes est en cours après la clôture des bureaux de vote dimanche 12 octobre, pour la présidentielle au Cameroun. La proclamation des résultats, par le Conseil constitutionnel, est attendue dans une quinzaine de jours.
Les Camerounais (au pays et à l’étranger) se sont rendus aux urnes dimanche pour élire un nouveau président de la République parmi les 12 candidats en lice, dont le président sortant, Paul Biya (92 ans).
Le politologue Michel Oyane regrette que les tendances ne soient pas dégagées après la fermeture des bureaux de vote, bien que la loi suggère normalement, le dépouillement, bureau de vote par bureau de vote.
« Malheureusement, les tendances ne pourront pas être dégagées parce que ça, c’est une pratique camerounaise qui consiste à être incapable de dégager les tendances en fonction des différents dépouillements qui sont faits, çà et là, dans les différents bureaux de vote, dans les régions, les départements et les arrondissements », regrette-il.
« On va donc assister à une grammaire, très certainement, de la contestation parce que les instances, et l’instance précise qui est Elections Cameroun, en abrégé Élecam, qui est censée faire ce dépouillement et donner les premières tendances, ne fait généralement pas son travail comme cela devrait se faire », dit-il.
Quand les résultats seront-ils proclamés au Cameroun?
Le Conseil constitutionnel devrait annoncer les résultats officiels au plus tard le 27 octobre, soit 15 jours après la clôture du scrutin.
Au cours de cette période, le Conseil examinera les requêtes ou les recours déposés par les parties et les candidats lésés.
Ce n’est qu’après s’être prononcé sur ces requêtes que le Conseil pourra annoncer les résultats et déclarer le vainqueur de l’élection.
Si, au bout de 15 jours, le Conseil n’a pas déclaré de vainqueur, le président sortant restera en fonction jusqu’à la tenue d’une nouvelle élection.
La nouvelle élection aura lieu dans un délai compris entre 20 et 40 jours après la date d’annulation de l’élection initiale.
Puisqu’il s’agit d’un scrutin à la majorité simple, c’est donc le candidat qui arrive en premier qui est déclaré élu, peu importe le score.
Une fois les résultats publiés, le président de la République prête serment dans la quinzaine de jours qui suivent.
Qui annoncera les résultats de l’élection présidentielle au Cameroun
C’est le Conseil constitutionnel qui va annoncer les résultats officiels de l’élection. Il est habilité par la loi à veiller à la régularité des élections présidentielles et parlementaires et à annoncer les résultats de ces différentes élections.
Il est composé de 11 membres nommés par le chef de l’État.
Son rôle est de statuer sur toutes les requêtes déposées par tout candidat ou tout parti politique ayant participé à l’élection, ainsi que sur toute requête déposée par toute personne agissant en tant que représentant de l’administration et demandant l’annulation totale ou partielle des opérations électorales.
Conformément au code électoral, toutes les requêtes déposées doivent parvenir au Conseil constitutionnel dans un délai maximal de 72 (soixante-douze) heures après la clôture du scrutin.
Comment s’est déroulé le scrutin au Cameroun ?
Eric Essoussé, le directeur général de ELECAM, l’organisme chargé des élections dans le pays, a salué la bonne organisation du scrutin.
« Les fondamentaux classiques d’une bonne élection ont été respectés. Les commissions locales de vote ont ouvert les bureaux de vote à 8h et fermé à 18h. Le matériel et les documents électoraux étaient disponibles dans tous les bureaux de vote », s’est-il réjoui.
« Les électeurs ont librement exprimé le suffrage dans le calme, l’ordre et la discipline sur l’ensemble du territoire national. Les commissions locales de vote ont fermé les bureaux de vote et immédiatement procédé au dépouillement des suffrages conformément à la loi », a-t-il signalé.
Certains observateurs ont signalé un scrutin qui s’est normalement déroulé dans le calme, malgré quelques incidents mineurs dans certains bureaux de vote.
En effet, dans un centre de vote de la capitale Yaoundé, la BBC a rencontré une foule d’électeurs en colère, qui ont insisté sur la nécessité de protéger leurs votes. Leur réaction faisait suite à l’ordre d’un responsable électoral de quitter l’entrée d’une salle de vote.
Selon Michel Oyane, professeur et politologue camerounais, « la journée du 12 octobre, consacrée à l’élection du président de la République au Cameroun, s’est déroulée de façon assez normale, assez calme, et on ne peut que s’en réjouir ».
« Vous savez, les élections en Afrique sont généralement émaillées de violences, de troubles, parce que les mascarades sont dénoncées, éventrées, et très souvent, il ne s’agit pas toujours de la tranquillité, et donc on peut se réjouir de ce que cette élection présidentielle se soit déroulée dans un climat de relatif calme », a-t-il souligné.
Toutefois, Pr Oyane a indiqué qu’il y a quand « même eu des petites zones où il y a eu des (…) des bousculades avec des autorités administratives impliquées, des forces de défense et de sécurité impliquées, mais on peut se réjouir de ce que cela se soit passé dans un relatif calme ».
Un faible taux de participation électorale dans certains bureaux de vote a été notée.
Dans les régions anglophones, malgré l’interdiction des séparatistes aux habitants d’aller voter, certaines personnes sont allées s’acquitter de leur devoir civique.
« Selon les informations qui nous sont parvenues dans ces régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun, ce qu’on a quand même constaté et observé, c’est que les gens sont allés aux urnes, comparativement à 2018 », a révélé Pr Michel Oyane.
« En 2025, on peut se réjouir que les gens se soient quand même déplacés dans les bureaux de vote pour exprimer leur volonté de changement ou alors leur volonté de stagnation du régime politique en place », dit-il.
Le politologue s’est félicité que des meetings politiques aient pu se tenir à Buea, à Bamenda et dans quelques arrondissements de cette partie du territoire camerounais, malgré « beaucoup d’expressions de vengeance » qui subsistent encore dans le nord-ouest et le sud-ouest.
Peu après le vote, le président Paul Biya a salué la maturité dans le déroulement du scrutin, qualifiant le processus de calme. « Rien n’est acquis, attendons qu’on connaisse le nom de l’élu », a-t-il déclaré à la presse, accompagné de son épouse Chantal, à la sortie d’un bureau de vote près du palais présidentiel à Yaoundé. En revanche, le candidat de l’opposition et ancien allié de Biya, Issa Tchiroma Bakary, qui a voté dans sa ville natale de Garoua, a déclaré avoir fait l’objet de menaces.
Paul Atanga Nji met en garde contre la publication de faux résultats
A l’issue du scrutin, Paul Atanga Nji, le ministre de l’administration territoriale, a mis en garde tous les candidats et rappelé que « la campagne et le vote sont terminés ». Etant donné que des tendances sont été publiées sur les réseaux sociaux dès dimanche, sur la base des procès-verbaux et des résultats de comptage de votes sur le terrain, l’autorité territoriale a sifflé la fin de la récréation.
« Dès aujourd’hui, la récréation est donc terminée. Seules les instances chargées de la centralisation et du recensement des votes prendront le relais. Par la suite, le Conseil constitutionnel prendra le relais jusqu’à la proclamation officielle des résultats du scrutin présidentiel », a indiqué Paul Atanga Nji.
« Aucune autre démarche en dehors de ce cadre légal ne doit exister ou prospérer », a-t-il averti. « L’administration passera à l’offensive pour mettre un terme à cette imposture qui consiste à fabriquer des faux résultats des élections et les rendre publics à travers des plateformes illégales », poursuit-il.
« Les contrevenants, quel que soit leur statut politique ou social, feront face à la rigueur de la loi sans la moindre complaisance », a insisté le ministre Paul Atanga Nji qui affirme avoir reçu des informations selon lesquelles un candidat anonyme envisageait de revendiquer la victoire au préalable.