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SENEGAL : Les divergences au sommet du tandem Diomaye-Sonko sur l’avenir de la coalition qui les a portés au pouvoir

Par Janvier Njikam
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Alors que le Président Diomaye Faye annonce la désignation de Mme Aminata Touré pour restructurer la coalition qui l’a porté au pouvoir, le bureau politique du PASTEF (Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité) dirigé par Ousmane Sonko, son premier ministre, s’est démarqué de ce choix estimant  »ne partager ni les valeurs, ni les principes » avec la personne choisie par le président.

PASTEF, déclare que le Président Diomaye Faye  »n’a pas les prérogatives pour démettre » celle qui occupait le poste, qui se trouve être une proche de Ousmane Sonko. Diomaye et Sonko sont arrivés au pouvoir en mars 2024, portés par une coalition dénommée Diomaye-Président. Depuis leur accession au sommet de l’Etat, un travail de restructuration de la coalition a été confié à Mme Aïda Mbodj que certains appellent  »la maman de Sonko » pour sa proximité avec le leader de PASTEF.

Très contestée par certaines franges de la majorité présidentielle, Aïda Mbodj a entrepris le travail de restructuration qui doit aboutir à la mise en place d’une nouvelle entité. Ce mardi, le président Bassirou-Diomaye Faye l’a remerciée et a chargé Mme Aminata Touré ancienne Première ministre, de mener le travail de restructuration de la coalition Diomaye-Président.

Comprendre la chronologie des faits

Un partisan de la coalition des candidats anti-establishment brandit une affiche représentant le candidat à la présidence Bassirou Diomaye Faye lors de la campagne électorale pour l'élection présidentielle sénégalaise du 24 mars.
Légende image, Un partisan de la coalition des candidats anti-establishment brandit une affiche représentant le candidat à la présidence Bassirou Diomaye Faye et le leader de l’opposition Ousmane Sonko lors d’un rassemblement électoral à Dakar, le 10 mars 2024.

Tout est parti d’une lettre datée du 11 novembre 2025, signée par le président Bassirou Diomaye Faye dans laquelle, il met fin à la mission de Mme Aïda Mbodj à la tête de la Coalition Diomaye-Président, après l’avoir remerciée pour son engagement lors de la victoire du 24 mars 2024.

Dans le document, Bassirou Diomaye Faye annonce une réorganisation de la coalition afin de la rendre « plus performante et mieux structurée ». Il informe avoir désigné Mme Aminata Touré, pour conduire le processus de relance des activités de la coalition. Aminata Touré était la superviseure générale de la campagne électorale dans le cadre de la coalition Diomaye-Président.

Elle fut Premier ministre de Macky Sall et membre de l’APR (Alliance Pour la République) l’ancien parti au pouvoir qu’elle a quitté après des divergences sur le choix du président de l’Assemblée nationale de la précédente législature et la question du 3eme mandat de Macky Sall dont elle était farouchement opposée.

Dans sa lettre, Diomaye a réaffirmé sa volonté de  »renforcer la cohésion au sein de la coalition et de valoriser l’action du gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko ».

En réponse à cette lettre, le PASTEF dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko exprime publiquement à travers un communiqué publié dans la soirée son désaccord avec la décision du président de la République.

Dans un communiqué signé par le Bureau politique national et daté du 11 novembre 2025, PASTEF, « note avec satisfaction la volonté exprimée par Bassirou Diomaye Diakhar Faye de restructurer la coalition dénommée Diomaye Président dans le but de déboucher sur une coalition plus forte, au service de la vulgarisation positive de l’action du gouvernement ».

Cependant souligne le PASTEF, « le projet de restructuration évoqué a déjà été entrepris » après l’élection présidentielle de mars 2024, avec la nomination d’Aïssatou Mbodj comme présidente de la Conférence des leaders, chargée notamment de la production des textes préparatoires, de la charte, du règlement intérieur et de la structuration ».

Selon les partisans de Sonko, le nom APTE (Alliance Patriotique pour le Travail et l’Éthique), a déjà même été proposé pour cette nouvelle entité, car la coalition Diomaye-Président a atteint son objectif électoral, à savoir élire le Président Bassirou Diomaye Faye.

Le bureau politique du PASTEF conteste par ailleurs au Président Diomaye Faye, les prérogatives de démettre l’ancienne coordonnatrice de la coalition.

« Monsieur Bassirou Diomaye Faye n’a pas le pouvoir de démettre Mme Aïssatou Mbodj, qui a été désignée par la Conférence des leaders » lit-on dans le communiqué.

Le PASTEF précise que lui « et ses alliés ne se reconnaissent dans aucune initiative coordonnée par Mme Aminata Touré, avec qui nous ne partageons ni les mêmes ambitions, ni les mêmes valeurs, ni les mêmes principes ».

Les déclarations de Sonko au  »Tera meeting »

Le Premier ministre sénégalais a tenu un grand rassemblement à Dakar avec ses partisans. Il s'est exprimé sur la situation politique, économique et sociale du pays.
Légende image, Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko s’adresse à ses partisans lors d’un rassemblement à Dakar, le 8 novembre 2025.

Cette divergence qui apparait au grand jour entre le président Diomaye Faye et son Premier ministre intervient trois jours après le  »Tera meeting du 8 novembre 2025 » de PASTEF.

Au cours d’un grand rassemblement tenu au parking du stade Léopold Sédar Senghor à Dakar samedi dernier, Ousmane Sonko avait déclaré que  »toute restructuration de la coalition Diomaye-Président doit se faire autour de PASTEF, qui est le parti majoritaire et la locomotive de la coalition présidentielle ».

S’expliquant devant ses militants, Sonko est revenu sur son refus de partir en coalition lors des dernières législatives de novembre 2024, préférant faire cavalier seul sous l’unique bannière de PASTEF.

Ousmane Sonko et son parti avaient remporté 130 sur les 165 sièges de l’Assemblée nationale.

 »C’est pour éviter dit-il, que des alliés non fidèles profitent des sièges de députés qu’on leur donne pour mettre des bâtons dans les roues au PASTEF ».

Il a par ailleurs souhaité la mise à l’écart de certaines personnalités politiques de la majorité sans les nommer, citées selon lui dans des dossiers relatifs à une gestion financière douteuse.

Dans son communiqué, PASTEF affirme ne reconnaitre que Mme Aïda Mbodj pour poursuivre le travail, à savoir la restructuration de la majorité présidentielle.

Des milliers de partisans du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko se rassemblent pour un meeting à Dakar le 8 novembre 2025 au parking du stade Léopold Sédar Senghor.
Légende image, Des milliers de partisans du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko se rassemblent pour un meeting à Dakar le 8 novembre 2025.

Diomaye-Sonko : des divergences revendiquées et assumées

Entre le président Diomaye Faye et son chef du gouvernement, les divergences sont revendiquées et assumées bien avant et depuis leur arrivée au sommet de l’Etat. Lors du  »Tera meeting », Sonko est revenu largement sur cet aspect de leur relation.

 »Lorsque j’ai choisi Bassirou Diomaye Faye comme candidat de PASTEF à la présidentielle, je savais, il savait, que nous ne sommes pas toujours d’accord sur tous les points. Une fois au pouvoir, lorsqu’il a fait de moi son Premier ministre, il savait, je savais que nous ne sommes pas toujours d’accord sur tous les points » dit-il.

Poursuivant ses explications face aux militants venus en grand nombre de toutes les régions du pays, il a déclaré qu’il ne sera  »pas à l’origine d’une rupture avec Bassirou Diomaye Faye et sait que lui aussi  »ne voudra pas être à l’origine d’une rupture entre nous ».

Lors de plusieurs conférences de presse avec des journalistes, le président Bassirou Diomaye Faye a toujours reconnu avoir parfois des divergences avec son chef de gouvernement. Mais pas question pour lui de le voir comme une menace. Bien au contraire, il a dit vouloir un  »Premier ministre super fort » et  »compter renforcer ses pouvoirs ».

A ceux qui lui disaient que Sonko lorgne son fauteuil, il avait répondu :  »je ne veux pas qu’il le lorgne. Je veux qu’il le regarde. Je souhaite qu’il s’assoit un jour sur ce fauteuil » avait-il déclaré, précisant  »avoir travaillé pendant dix ans pour élire Sonko comme président sans succès, et qu’en 10 jours, Sonko a réussi à me faire élire comme président ».

Le Président Bassirou Diomaye Faye en blanc et le Premier ministre Ousmane Sonko en vert olive lors de la campagne électorale pour la présidentielle de mars 2024.
Légende image, Le Président Bassirou Diomaye Faye en blanc et le Premier ministre Ousmane Sonko en vert olive lors de la campagne électorale pour la présidentielle de mars 2024.

Quelles conséquences de ces divergences publiques sur l’avenir du duo Diomaye-Sonko ?

Il y a quelques semaines, un allié du pouvoir, Dr Abdourahmane Diouf, ministre de l’environnement et du développement durable, avait lancé un appel au président Diomaye Faye l’invitant à  »prendre ses responsabilités et ne pas accepter une justice des vainqueurs ». Il avait annoncé au cours d’une émission à la radio publique RTS  »être prêt à travailler avec les alliés pour mettre en place une coalition autour du président de la République ».

Cette sortie avait été interprétée par la base électorale du PASTEF comme une volonté de certains pans du pouvoir, d’isoler le Président de la République, voire de l’éloigner du Premier ministre Ousmane Sonko. Joint depuis Lomé (Togo) par BBC News Afrique, Paul Amegakpo, Président de l’Institut Tamberma pour la Gouvernance (ITG), estime que  »cette tension endogène à la coalition qui gouverne le Sénégal actuellement n’est pas une première ».

 »Le Premier ministre Ousmane Sonko s’affiche comme un leader naturel de Pastef dont il est le président et compte pouvoir maîtriser, contrôler et diriger toutes les coalitions qui devraient naître de Pastef comme coalition électorale ou coalition de gouvernement » ajoute l’analyste togolais. Or dit-il,  »aujourd’hui, le président de la République Diomaye Faye a besoin également d’un soutien le rendant à la fois légitime, mais également lui donnant la force nécessaire pour pouvoir diriger le Sénégal et contrôler la majorité au pouvoir ».

Pour lui, le tandem Diomaye-Sonko est tombé dans le piège de Thucydide.  »En géostratégie, le piège de Thucydide désigne une situation dans laquelle une puissance dominante déclare la guerre à une puissance inférieure afin d’éviter d’être surclassée » dit-il.

 »Et dans la situation actuelle et de la coalition au pouvoir au Sénégal, il s’agit d’une volonté pour le Premier ministre Ousmane Sonko, réputé leader naturel du Pastef et leader naturel de la coalition au pouvoir, de pouvoir ramener à l’ordre le président Diomaye Faye et l’ensemble des courants politiques qui le soutiennent ». La situation pourrait être préjudiciable si la crise devenait plus profonde.

Les deux hommes doivent  »éviter à tout prix que d’une crise interne au Pastef et à la coalition au pouvoir, qu’on arrive à une crise politique, une crise de gouvernance qui serait néfaste pour l’espoir nourri par l’accession au pouvoir de ces deux personnalités politiques » a-t-il conclu.

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